Le Samu et les faux « Batman » des réseaux sociaux 

J’ai été interloquée par cet abattage et ce déchaînement de violence à l’encontre de personnes innocentes suite à la mort dramatique d’une jeune femme après la moquerie d’une opératrice du SAMU et sa non prise en compte médicale. La lecture de cet article paru dans le monde m’a consternée : http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/05/15/mort-de-naomi-musenga-l-enfer-des-trois-operatrices-accusees-a-tort_5299486_3224.html . Il s’agit avant tout d’un drame humain, une personne qui est décédée dans des circonstances que la justice doit déterminer. La famille doit avoir des réponses, ces réponses doivent venir de l’enquête pas d’une vindicte populaire. Le temps est au recueillement et à la mémoire de la défunte et non à créer de nouvelles victimes.

L’homme aurait-il besoin de violence et de drame pour vivre ? Je laisse le soin aux psychologues, aux sociologues et aux philosophes de débattre sur cette question de fond. La question que je pose est comment au 21eme siècle, dans une société civilisée, nous pouvons atteindre ce paroxysme de violence, d’appel au meurtre, d’insultes cachées derrière son masque de faux « Batman » sur « les réseaux sociaux » ? Comment des jeunes femmes, non impliquées dans l’affaire, peuvent être envoyées en pâture lorsque, sans aucun discernement, des milliers de faux « Batman » se permettant de les menacer ? Comment une institution qui a sauvé des milliers de gens se retrouve accusée de tout dans un amalgame d’émotions et de frustrations ? Et cette mise à jour de tous les cas… on fouille, on recherche, on exhibe. Mais où est la justice ? La justice est victime des réseaux sociaux et de ce besoin compulsif d’une population qui a besoin de ressentir des émotions. Le temps des réseaux sociaux, cette immédiateté permanente, n’est pas le temps de la justice. Alors comment faire ? Réagir plus vite et d’une façon plus humaine ! Oubliez les réseaux sociaux, allez voir les personnes ! Plus la crise est grave, plus la communication a besoin d’Humain et de proximité. Ne plus être spectateur, mais acteur. Toutes les personnes peuvent être des porte-paroles mais sans le masque des réseaux sociaux. On peut demander à nos élus ce qui s’est passé, on peut demander aux responsables des institutions des comptes et des explications mais certainement pas se faire justice tout seul à travers son masque de faux « Batman » en détruisant d’autres vies.

Ces menaces peuvent en plus être contre-productives. En effet, les services d’urgences doivent faire leur audit pour comprendre ce qui s’est passé mais pour le réaliser, il faut être ouvert avec une volonté de se dire : « plus jamais ça ». Or le réflexe de toute personne attaquée est de se recroqueviller sur soi, de se défendre, de faire du déni, de masquer les faits. Ces éléments se retrouvent dans toutes les crises où les retours d’expériences sont impossibles ou masqués par des enjeux politiques. Il faut obliger nos entreprises et nos institutions à se professionnaliser sur cette partie. La question qui devrait être posée aux responsables est : pourquoi ce drame ? Des cas se sont-ils déjà produits, tous différents ou pas ? Quels sont les analyses et les suivis réalisés ? Non pas sur des critères de chiffres mais sur des critères qualitatifs, environnementaux, psychologiques etc. En effet, plusieurs hypothèses sont possibles et, souvent, nous retrouvons un peu de tout :

1/ la bêtise humaine.

2/ la pression du rythme effréné appel après appel.

3/ la gestion du stress, de cette décharge émotionnelle permanente des personnes qui appellent en détresse et face auxquelles on se construit un mur personnel pour pouvoir continuer de vivre naturellement. Ce que certains appellent d’une façon simpliste de la déshumanisation est en fait un phénomène des plus humain.

4/ des équipes, qui perdent pieds face à cette habitude et ce matraquage d’appels, d’urgences, et auxquelles on oublie alors de rappeler régulièrement les règles de bienveillance. Pas des règles sous un format tutoriel e-learning mais par des séances en présentiel, ensemble, pour débriefer, lâcher prise, se rendre compte que certains mal-êtres sont normaux et donc de les ressentir fait de nous une personne normale.

5/ des organisations tendues, des process pas clairs ou mal compris, des outils inadaptés.

5/ un rappel des règles, de la communication pédagogique au quotidien vers le grand public pour rappeler qu’un service d’urgence n’est pas un standard de médecins. Ce n’est pas quand il y a un drame qu’il faut faire ces campagnes mais avant. Pour ce faire, il faut utiliser des nouveaux supports, pédagogiques et ludiques.

6/ et surtout, ne faire aucune généralisation.

Laissons faire la justice pour qu’elle puisse trouver des réponses et les apporter aux familles. Demandons aux institutions de réaliser des Retours d’Expériences et de décider de ce qui doit changer ou pas ! Ne faisons pas la justice par nous même à travers les réseaux sociaux et utilisons les pour amener de la transparence !

Stéphanie RUELLE

Présidente L-ebore

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